Elle était rentrée en courant. Finalement... Le ciel avait tonné et des milliers de litres d'eau se déversaient dans les rues de la ville, les transformant en désert aquatique... Un flot coléreux... salvateur... qui avait fait glisser tout le sang de ses mains vers une bouche d'égout avoisinante. Premier réflexe après avoir passé la porte? Fumer. Le dos contre le bois, une fois que la serrure fût fermée. Elle passa une main dans ses cheveux humides. Le vent se mit alors à gronder et rabattait de plus en plus violemment l'averse sur les bâtiments. Ce n'était pas un bon jour... Déjà, la chaleur n'avait pas cédée devant la pluie, et, même si le soleil n'était jamais apparu, il faisait subir à tous et tout cet étouffement, comme lorsqu'il se trouve à son zénith. Enorah resta là, mettant sa vie en suspens. Comme il aurait été agréable de réellement pouvoir le faire! Ainsi qu'avec une télécommande, pouvoir appuyer sur pause. Pas parce que sa vie lui déplaisait. Mais juste parce qu'elle ne voulait pas le moins du monde être dérangé à cet instant... Et, elle serait forcément sortie de ses pensées. D'ailleurs, ce fût son chat, le Prince Mychkine qui la rappela à l'ordre. L'entendant miauler, elle ouvrit un oeil, plus un autre, et parvint rapidement à repérer la petite bête sur pattes au-travers de la fumée qui l'entourait. Elle s'approcha de l'animal et le saisit dans ses bras. C'était sans doute le seul geste d'affection qu'elle se permettait et, surtout, qu'elle avait envie de faire. Elle le conduisit à la cuisine, où elle prit de la nourriture de son frigo pour le mettre dans le bol "M". Elle laissa ensuite le prince se délecter de son repas et alluma son ordinateur. Toutes ses affaires, à quelques exceptions très rares, se réglaient par ce moyen... Tellement plus pratique et moins repérable! Elle fit savoir à son employeur que le contrat avait été rempli. Puis, elle se déshabilla et prit une douche.
Quelques heures après, alors que le temps à l'extérieur s'était calmé et ressortit. Puisqu'il faut le dire... Enorah ne pensait déjà plus à l'assassinat qu'elle avait perpétué. Surtout qu'elle venait d'être payée. Elle passait facilement d'obligations professionnels à d'autres plus... pécuniaires. Sans l'ombre d'une arrière pensée. Enfin! Elle aimait le penser! Après avoir fait quelques provisions, elle ne rentra pas chez elle. En fait, ces courses n'étaient pas destinés à remplir son réfrigérateur... mais plutôt celui de l'orphelinat de Lombard Way. Cas de conscience? Epiphanie? Rien de tout cela... Depuis qu'elle était arrivée, elle rendait régulièrement visite aux enfants de ce quartier. Pourquoi...? Pourquoi pas? Tant que cela découlait naturellement, elle ne s'en inquiétait pas. C'est donc aux alentours de quatorze heures qu'elle arriva devant la grande bâtisse. Elle y entra pour rejoindre l'une des personnes y travaillant régulièrement. Elle le remit la nourriture et ils se mirent à parler. Encore une fois, cela se faisait de manière naturelle... Quoique... Enorah se forçait à sourire, à faire croire qu'elle compatissait. Elle savait que son interlocuteur avait des doutes à son égard. Enorah l'avait déjà évoqué d'ailleurs, lui expliquant que même si aider ces enfants ne la satisfaisait aucunement, c'était devenu une nécessité ou, plutôt, un repère dans sa vie.